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Tout enflammée, & ne ſachant point l’heure
Où finira mon adoré ſouci.
La Mort m’attend, & s’il ne me relève
De ce tombeau prêt à me recevoir,
J’y vais dormir, emportant mon doux rive ;
Hélas ! Amour, fais-lui mon mal ſavoir.

Depuis le jour ou le voyant vainqueur,
D’être amoureuſe, Amour, tu m’as forcée,
Fût-ce un inſtant, je n’ai pas eu le cœur
De lui montrer ma craintive penſée,
Dont je me fais à tel point oppreſſée,
Mourant ainſi, que la Mort me fait peur.
Qui fait pourtant, ſur mon pâle viſage,
Si ma douleur lui déplairait à voir !
De l’avouer je n’ai pas le courage.
Hélas ! Amour fais-lui mon mal ſavoir.

Puis donc, Amour, que tu n’as pas voulu
A ma triſteſſe accorder cette joie,
Que dans mon cœur mon doux ſeigneur ait lu,
Ni vu les pleurs où mon chagrin ſe noie,
Dis-lui du moins, & tâche qu’il le croie,
Que je vivrais, ſi je ne l’avais vu.
Dis lui qu’un jour, une Sicilienne
Le vil combattre & faire ſon devoir.
Dans ſon pays, dis-lui qu’il s’en ſouvienne.
Et que j’en meurs, faiſant mon mal ſavoir.

(Carmoſine, acte II, scène VII,)