les monts, lacs myſtérieux hantés par les Elfes,
chevaliers-fantômes ſurgiſſant viſière baiſſée
dans l’oratoire des châtelaines, courſiers infernaux
emportant au galop les amants parjures,
amoureuſes Ondines tapies dans les roſeaux,
ſpectres, apparitions, vampires, échos fallacieux,
couvents profanés, chaſſeurs aventureux
trouvés morts un matin dans la clairière, Dieu
ſait de quelle faveur vous avez joui de 1820 à
1835 ! Dieu ſait le compte des têtes que vous
avez tournées, des cœurs que vous avez fait
battre, & auſſi avec quelle ardeur tu as été
courtiſée & pourfuivie de roc en roc, le long
de ton vieux fleuve, toi, Lorelei ! fée capricieuſe
& fugitive des bords du Rhin, Muſe de la
ballade allemande ! Tout fut Ballade alors :
la jeune fille filant ſon rouet, le vieux ſeigneur
pleurant ſon fils mort à la bataille, le châtiment
des ſoldats blaſphémateurs emportés par le
diable, le voyageur égaré par le feu follet pendant
la nuit, le ſabbat des moines ſacrilèges
dans le cloître abandonné ! Tout s’en mêla, le
piano comme la lyre, & le pinceau, & le crayon.
Pas de tableau ſans tour féodale & ſans fantôme,
pas de chant qui n’eût pour accompagnement
le trap-trap infernal, ou le tintement de
la cloche maudite, ou le vol tourbillonnant des
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XII
HISTOIRE