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et professeur, était journellement attiré à Paris par des acquisitions, des marchés et mille autres soins. Un matin, il partit selon sa coutume, et ne revint plus…

Son absence durait déjà depuis quatre ou cinq jours, lorsqu’un soir je vis arriver Schmidt, le peintre.

Il était le seul de tous mes anciens amis qui ne m’eût pas mis dans la nécessité de le chasser avec dégoût ; je tenais à haute considération de n’avoir jamais surpris son langage en désaccord avec sa pensée. La sublimité de son âme l’avait plus d’une fois porté à la hauteur du génie même ; et bien que dans les entretiens très fréquents que nous avions il restât souvent, faute de me comprendre, mon adversaire, je puis dire qu’il fut, après Jérémias, bien entendu, le seul qui eût soupçonné quelque chose de la vérité. La conversation roula, selon l’ordinaire, sur l’esthétique.

— Hélas ! me dit enfin Schmidt après m’avoir assez longtemps écouté, peut-être tout cela est-il trop beau pour nous, peut-être à force de t’élever t’es-tu perdu dans l’impossible.

Puis, faisant allusion à mes récentes discordes avec ma famille, il me plaignit de m’être rendu toute société incompatible :

— Comment, acheva-t-il, ne pas regretter l’état où je te vois, lorsque je songe que le seul homme avec qui tu aies pu t’entendre est un fou ?