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Cette femme se perdant pour obtenir le droit d’être seule aimée d’un artiste en l’avenir duquel elle avait foi, me parut aussi misérable que si elle se fût livrée pour de l’argent. Elle le comprit, et en tomba dans la désolation. Mais, ni ses larmes, ni sa soumission ne purent vaincre le mépris que j’avais conçu pour elle ; je la reléguai, comme une sultane, au fond de mon appartement, où j’évitai même de la rencontrer, et je passai tout mon temps en tête à tête avec le cher Jérémias.

Il ne se lassait pas de me faire parler et d’écrire sous ma dictée. Les nuits lui servaient à rédiger un solfège d’après mes nouveaux principes.

Selon ses calculs, il lui restait encore dix ans à vivre, et c’était plus qu’il ne lui fallait pour accomplir sa révolution.

Pressé d’en venir à l’exécution, il me pria un jour de composer une symphonie.

La chose m’était trop facile pour être refusée.

Je me mis donc à l’œuvre. Néanmoins les développements que j’avais donnés à la tonalité nous obligèrent d’inventer une notation nouvelle (et c’est à quoi les anciennes études de Jérémias nous furent d’un grand secours).

Tandis que je travaillais, il observa que la musique, telle que je l’écrivais, était impossible à exécuter avec les instruments en usage. C’était à des innovations de cette nature qu’il avait jadis dépensé une partie de sa fortune : il me persuada donc