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et de lui permettre d’écrire et de publier tout ce que je lui dirais.

J’avais la science en trop haut mépris pour ne pas consentir à ce qu’il me demandait. Il vint donc chaque jour s’installer chez moi, et chacune de nos entrevues forma la matière d’une brochure, où mon précurseur prédisait l’avènement d’une révolution dans l’art, qui devait faire frémir sur leurs bases le Conservatoire et l’Institut.

Le supplice dont j’ai parlé me rendit bientôt le séjour de Paris insupportable ; je projetai alors d’acheter, à l’une des extrémités du bois de Boulogne, un pavillon isolé, et de m’y retirer avec Jérémias, le seul être qui pût désormais me comprendre.

Cependant, j’étais devenu célèbre, grâce à la singularité de mes aventures, aux publications apocalyptiques de Jérémias, et aussi à la facilité avec laquelle j’improvisais sur toutes sortes d’instruments. Ce vernis de renommée, que je n’avais pas cherchée, fut comme la glu à laquelle la fantasque baronne se laissa prendre. Elle fit plus : cette femme si hautaine, si vaine de sa beauté, qui vous eût fait compter pour faveur insigne de baiser le bout de son gant, ne craignit pas de se donner ostensiblement à moi, en me suivant dans ma retraite.

Bien qu’elle me donnât par là plus d’envieux que mon génie constaté n’eût pu faire, je fus peu touché de cette démarche.