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me coûta, me parut médiocre ? Lydie, pourtant, était toujours belle, et je ne pouvais oublier les sensations qu’elle m’avait causées. Mais chacune des révélations que je puisais dans ses yeux, où se peignaient la légèreté de son cœur et la vanité de son esprit, diminuait de jour en jour le prix de ma victoire. Qu’était-ce d’ailleurs que la conquête d’un cœur qui ne demandait qu’à se rendre, pour un être dont tous les sens tendaient sans cesse vers l’infini ?

Au surplus, les joies du triomphe ne tardèrent pas à être compensées par un supplice intolérable ; mes organes, par suite de la délicatesse extrême qu’ils avaient acquise, étaient chaque jour et à chaque instant offensés dans les rapports que j’avais avec les hommes.

Ainsi, par exemple, l’ouverture de Guillaume Tell, exécutée par l’orchestre du Conservatoire, me faisait l’effet d’un concert de Caraïbes ; elle me déchirait le tympan, elle m’agaçait les nerfs. La musique, telle que les hommes l’ont inventée et perfectionnée, était pour moi un art à l’état d’enfance. S’obstiner, comme font encore à cette heure les musiciens, à prendre pour base de la tonalité les sept notes de la gamme, me paraissait non moins absurde que de vouloir calculer avec quatre chiffres ou écrire avec cinq lettres. Sept notes ! Pourquoi sept signes ? Et pourquoi pas vingt-quatre, comme dans l’alphabet, ou neuf, comme dans la numération ?