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c’était pour elle que j’avais voulu acquérir cette puissance surhumaine, j’en fus étonné. Ce que je lus dans son regard m’indigna contre moi-même. Les évènements récents donnaient à ma rentrée dans le monde un intérêt assez romanesque. Le mot de folie prononcé à ma sortie avait circulé. Un domestique de la maison qui, par ordre de son maître, m’avait suivi, avait été témoin de mon suicide. Le silence que je gardai sur cette dernière circonstance donna lieu aux suppositions les plus fantastiques. Il fut dès lors avéré pour tout le monde que, dans un accès de folie, j’avais tenté de mourir, et que les rigueurs de la baronne étaient la cause de cette résolution. Eh bien ! Lydie fut charmée de ce commentaire ; c’est ce que son premier coup d’œil m’apprit, et si cette découverte ne me la fit pas prendre en aversion, elle mêla un désir de vengeance à mes pensées d’amour.

Gatien, que je retrouvais partout où je cherchais Lydie, joua ce soir-là à son ordinaire et avec le succès accoutumé. Je ne pus résister à l’envie de souffler sur sa joie : je m’assis au piano, et l’originalité de mon improvisation ne laissa plus d’autre souvenir de lui que celui d’une mécanique.

L’ambition de toute ma vie était donc satisfaite ; mon rêve était accompli, car je ne doutai pas, au succès que j’obtins, que le cœur de la baronne n’eût passé au vainqueur.

Dirai-je que ce triomphe, en raison du peu qu’il