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Autour de moi les marchandes reposaient assoupies sur leurs éventaires.

Quelques passants m’examinaient, surpris de rencontrer à cette heure et à cet endroit un jeune homme en toilette de bal et sans chapeau.

Selon mes conjectures, deux heures avaient pu s’écouler depuis le moment où j’avais franchi le parapet.

Mais à ces douces sensations du réveil et de la vie reconquise succéda bientôt une émotion plus violente, lorsque je me fus recueilli en moi-même ; toutes mes facultés décuplées y chantaient le poème de la toute-puissance et du génie.

Je me sentais la vertu, la foi qui fait les Colomb et les Galilée. Mon regard franchissait les espaces et perçait les murs selon mon gré ; les visages me dévoilaient les âmes. Mon oreille décomposait sur-le-champ les moindres bruits. En un mot, l’univers se révélait à moi, non plus comme un spectacle, mais comme un système dont je comprenais les lois et les rapports.

La nouveauté de mes sensations me ravissait. C’était comme une nouvelle naissance, mais où l’intelligence jouissait de chaque manifestation comme d’une conquête. Dix nuits ne me suffiraient pas à vous rendre compte des surprises, des joies que j’éprouvai pendant ces premiers jours.

La première fois que je revis Lydie (ce fut encore dans une réunion), et que je vins à songer que