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sentis plus rien, jusqu’au moment où je me retrouvai roide et glacé dans mes vêtements alourdis.

J’étais dans une salle basse et voûtée, assez semblable, imaginai-je, à l’antichambre d’une geôle ou d’une morgue. Un affreux réverbère, suspendu au plafond, projetait sur les murs suants une lumière sale et glauque. Tout alentour régnait un banc de bois sur lequel je voyais s’agiter en face de moi et à mes côtés d’étranges formes humaines, les unes roulées comme moi dans leurs vêtements, les autres à moitié nues.

Une, surtout, était horrible à voir ; la tête était renversée et la gorge portait la trace de blessures récentes, où le sang s’était coagulé.

Je découvris au bout de quelque temps que j’étais moi-même assis sur ce banc. Assis ou posé, comment ? Je ne savais. Je n’éprouvais aucun contact. Je ne souffrais ni du froid, ni d’aucune douleur. J’étais plutôt averti par une conscience intime que la chaleur vitale s’était retirée de moi et que mes membres étaient privés du ressort qui les faisait auparavant obéir à ma volonté.

Les yeux, qui seuls avaient conservé quelque peu de leur puissance, n’existaient plus qu’à l’état d’organe purement passif. La faculté de voir leur était restée, mais ils avaient perdu celle de regarder. Je veux dire qu’ils recevaient, comme le verre, la réflexion des objets, mais sans pouvoir se diriger ni rien exprimer par eux-mêmes.