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était endormi ; celui qui veillait autour de moi m’était aussi étranger que le peuple de Lima ou de Chandernagor.

Je sautai debout sur le parapet. Un léger bruit me fit tourner la tête ; c’était la fenêtre d’un hôtel voisin qui s’ouvrait.

Une figure de femme m’apparut, encore embéguinée des blancs et moelleux langes de la nuit.

Par l’effet d’un effort suprême, mes yeux la virent à travers l’obscurité de l’heure.

Elle était belle, et je crus qu’elle me regardait. Je concentrai dans un regard toutes les forces de ma vie prête à s’éteindre.

« Ô toi, pensai-je, qu’il m’est donné d’apercevoir à ma dernière minute, reçois l’adieu que je laisse à ce monde que je maudis, à cette vie que je quitte en l’aimant. »

Et en moins d’une seconde, le ciel des plus beaux jours, tout ce que j’avais connu, aimé, fut évoqué dans la chambre noire de mon esprit.

Adieu !

Je croisai les bras sous mon manteau, que je serrai autour de moi, et… pouff !…

Glou ! glou ! glou ! glou ! l’eau résonna bruyamment à mes oreilles. Il me sembla voir et compter les masses que je déplaçais. Enfin, le dernier souffle d’air que contenait ma poitrine s’en exhala pour aller former des ronds magnifiques à la surface ; un flot pénétra dans ma gorge… et je ne