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qu’une affaire, acheter un violon et m’en aider pour expérimenter mon système ? Oh ! que vous vous tromperiez ! Sans doute l’épreuve était facile, mais elle était décisive, et j’avais peur !

Souvent je me surpris, dans la solitude, tâtant le pouls, pour ainsi dire, à ma volonté, et si dans ces moments il m’arrivait de la trouver à un certain degré de puissance, alors… j’ai honte à vous le dire, je me levais, je pliais le bras gauche, étendais le droit et je manœuvrais dans le vide. Un violon ! mais mon amour, mon bonheur, ma vengeance, ma vie tout entière était désormais passée dans le violon ; il était devenu le mobile de mes espérances et de mes craintes. Aussi j’avais pour lui ce sentiment d’éloignement superstitieux que les nègres de Guinée ont pour leur fétiche : le son m’en faisait dresser les cheveux ; la vue seule de l’instrument, déposé dans sa boîte, me donnait le vertige ; ses hanches arrondies, ses baies ricaneuses, son sternum cambré m’émouvaient plus vivement que n’eût fait la Vénus de Milo posant vivante et nue devant moi.

D’autre part la baronne, de plus en plus affolée de son pianiste, me traitait chaque jour plus mal.

Et, comme de raison, je l’aimais chaque jour davantage.

Un jour, je reçus un billet d’invitation pour une soirée prochaine. Comme j’avais quelque motif de supposer que Lydie s’y trouverait, je résolus de m’y rendre.