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Cette idée ne me quitta plus.

Je m’en ouvris un jour à Schmidt, tandis qu’il ébauchait un charmant paysage que je vois encore.

C’était, il m’en souvient, par une belle matinée d’avril : une lumière fraîche et gaie inondait l’atelier ; un bouquet de lilas, posé sur la fenêtre, se balançait au vent, nous envoyant, à chaque secousse, une bouffée de parfums.

Schmidt, l’œil ardent, le front moite, la lèvre humide, travaillait avec enthousiasme ; sa main voltigeait sur la toile hardiment et sans hésitation.

« Schmidt, lui demandai-je, est-ce bien difficile ce que tu fais là ? »

La question ne voulait pas une réponse. « Crois-tu, ajoutai-je, que j’en pourrais faire autant ? »

Il sourit.

Je lui exposai alors la théorie de Pernetius et j’essayai de lui prouver que si, pendant la nuit, mon âme fût allée habiter le corps d’un peintre et qu’elle eût gardé jusqu’au lendemain le souvenir de ce qu’elle avait su, j’aurais pu me trouver au réveil aussi habile que lui.

Schmidt, illettré comme un paysagiste et positif comme un piocheur qu’il était, traita Pernetius de visionnaire et m’objecta ses dix années de travail qui, selon lui, n’étaient pas un rêve.

« Mais, insistai-je, s’il t’a fallu dix ans pour apprendre ce que tu sais, ne peux-tu supposer qu’en concentrant en un instant l’effort de dix années, tu