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à sa place j’aperçus un étranger à mine hétéroclite, qui me dit en mauvais allemand :

Je suis à vos ordres.

En effet, sans que je pusse m’expliquer comment, un violon se trouvait dans ma main gauche, un archet dans ma main droite.

Geh ! (va !) me cria mon accompagnateur.

J’appuyai l’archet sur les cordes… Je jouais, je jouais, monsieur ; ou plutôt je chantais, je parlais, car il me semblait que le son partît de ma poitrine pour passer dans l’instrument. Bientôt il n’y eut plus ni violon ni archet ; mon bras droit, passé sur mon bras gauche, exécutait à mon gré des gammes et des arpéges. Songez que ce que j’exécutais n’était pas de la musique ; je causais ! La baronne, Gatien, mon amour, ma jalousie, ma haine, tout cela se déduisait avec l’impétuosité de la passion, avec la facilité du discours.

Tantôt j’adressais à Lydie de tendres reproches en lui rappelant nos douces promenades dans le jardin de son hôtel ; tantôt je l’accablais en raillant son goût insensé pour un animal de la plus vile espèce ; puis je la foudroyais en me dressant de toute ma hauteur, et alors j’entonnais, sur le mode le plus élevé, l’hymne de la passion héroïque. Et Lydie, subissant tour à tour l’empire des sentiments que j’exprimais, tantôt me souriait attendrie, tantôt s’affaissait humiliée, tantôt m’implorait avec larmes.

Je continuai ainsi : à la fin, succombant