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me dire : « Vous avez bien plus d’esprit que Gatien ! »

Mais le soir… Oh ! les soirées m’étaient fatales. Le cylindre se mettait en mouvement et emportait dans sa sphère d’activité, comme la roue du moulin entraîne le nageur, le cœur et les pensées de la baronne.

Une nuit je rêvai : je me voyais dans un salon magnifiquement éclairé, au milieu d’une nombreuse compagnie. Gatien et la baronne s’y trouvaient. J’étais assis à côté de Lydie et je jouais, en causant, avec le bout de sa ceinture.

Tout à coup il se fit un grand mouvement dans l’assistance : c’était Gatien qui se mettait au piano.

La baronne retira vivement sa ceinture : il l’avait regardée !

Mon ennemi préluda quelque temps avec aisance. Sa sotte figure s’épanouissait à l’idée du triomphe qu’il allait recueillir.

Il commence, mais dès les premières mesures un malaise singulier s’empare de l’auditoire : chacun se récrie ; les plus timides s’entre-regardent… L’instrument ne résonnait point !

Chaque note touchée par Gatien rendait sous son doigt le son sec et mat d’une planche frappée par un marteau. Le musicien, éperdu, essaye en vain de lutter contre cette résistance : ses doigts se crispent et s’écarquillent, son visage se contorsionne ; mais