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faire de la coquetterie. Mais, en vérité, j’étais incomparablement plus beau que ce Gatien. Il avait une face d’émouchet, des yeux de homard, des mains de bœuf. Les miennes, incessamment frottées de pâte d’amandes fines, étaient blanches et lisses comme celles d’une duchesse ; l’ovale de mon visage était parfait, ma chevelure abondante ; mes yeux, bien fendus, se noyaient dans la ligne de mes sourcils dessinés au pinceau.

Disons, pour achever le portrait de Gatien, que, selon l’usage de ses confrères, il avait au bout des doigts l’esprit que les honnêtes gens ont accoutumé d’avoir dans la tête. Moi, j’entendais la toilette en artiste, et j’avais sous le cuir chevelu bien des choses qui n’étaient pas dans les doigts de Gatien. Que de fois, que de fois je me suis dit : « Si j’étais baronne, jolie femme et femme d’esprit, eh bien ! je voudrais m’avoir pour amant ! »

Et de fait, elle n’eût pas été, en me prenant, trop malheureuse.

Elle voulut l’être. Je ne sais quelle fatalité la fit se prendre du plus étrange caprice pour cette manivelle organisée, pour ce cylindre à serinette, qui, le soir, s’habillait d’un habit bleu à boutons dorés et tournait les variations de Thalberg et de Moscheles ; fantaisie inexplicable, vertige contre lequel elle luttait elle-même. Bien souvent, durant nos promenades matinales, le long des lilas en fleur, je la vis s’attendrir à mes paroles ; son regard alangui semblait