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pour être heureux, qu’à suivre pas à pas les petits sentiers tracés de la vie. D’ailleurs, ce triple avantage de jeunesse, de beauté, de richesse avait cela de particulier pour moi, qu’il satisfaisait aux trois vices principaux de ma nature : j’étais paresseux, et je pouvais donc ne rien faire ; j’étais vaniteux, et je pouvais tirer vanité de ma figure ; enfin j’aimais à vivre, à considérer le soleil, à flâner sans but par les bois et par les rues, et j’avais devant moi de longues années pour me livrer à ce penchant.

J’ignore, mon voisin, si dans le cours de votre existence vous avez quelquefois réfléchi. (Ce doute au surplus ne peut être de ma part une injure, car il ne m’est pas actuellement démontré que l’homme qui pense vaille mieux que celui qui conserve la virginité de ses facultés intellectuelles.) Quoi qu’il en soit, si vous l’avez fait, n’avez-vous pas été frappé de l’utilité du malheur dans la vie humaine ?

Le sage qui, le premier, a dit que la vie est un combat a été profond. Il y a (ne l’avez-vous pas remarqué ? ) dans la vie de tout homme, entre l’adolescence et l’âge viril, une période de malaise et d’inertie durant laquelle ses facultés restent comme suspendues : sa crue s’arrête, son développement est accompli, sa pensée engourdie s’évapore en rêveries vagues et stériles. C’est, pour ainsi dire, un temps d’arrêt, pendant lequel l’homme s’assure intérieurement de ses forces et cherche à pressentir