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assommera à la troisième ; mais comme je suis menacé de votre part du même procédé, je vous engage dans notre commun intérêt à la patience. Apprenez d’ailleurs que je suis mort deux fois : ce qui me donne bien sur vous quelque avantage.

La nuit est belle, quoique fraîche, et nous ne craignons plus de nous enrhumer… Donc, tandis que nos confrères tiennent conciliabule, là-haut, sur la colline, autour de la chapelle, ou se lamentent derrière ces ifs, au souvenir de leurs amours passées et de leurs richesses perdues, écoutez, mort, mon voisin, comment je me suis noyé une première fois par désespoir, et comment, revenu au monde sous condition, je m’en suis, au bout de peu de temps, retourné par le même chemin pour venir occuper auprès de vous cette tombe, où je me trouve si mal à l’aise depuis le lever du soleil jusqu’au lever de la lune.

Mon nom, sur la terre, était ***. J’étais issu d’une famille de robe, et riche plutôt qu’aisée. J’étais jeune, puisque mon acte mortuaire définitif ne me donne pas plus de vingt-quatre ans d’âge ; j’étais beau, j’étais riche, et cependant je n’étais pas heureux… Vous trouvez la phrase commune, mon voisin, je m’en aperçois ; néanmoins, ayez patience, ainsi que je vous en ai prié ; car je prétends vous prouver que, si ma phrase est vulgaire, mes malheurs ne l’étaient point.

Jeune, beau, riche, il semblerait que je n’avais,