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Les Fleurs du Mal.

lui, ne triomphait pas du tout. Pourtant, il ne fit point appel. Peut-être, après cette première épreuve, n’eſpérait-il pas un ſuccès plus heureux devant une autre juridiction ; & peut-être ſentait-il que la juſtice ſe dégagerait d’autant moins envers lui qu’elle manquait des lumières néceſſaires pour le bien juger.

J’ai déjà dit quelles étaient ſes impreſſions en ſortant de l’audience. Ce procès lui reſta ſur le cœur comme un affront.

Lorſque, plus tard, après le ſuccès de la ſeconde édition du livre, l’éditeur en voulut donner une troiſième, plus ornée & faite à plus grands frais que les précédentes[1], Baudelaire eut la tentation de s’expliquer devant le public. On a retrouvé dans ſes cartons trois projets de préface, ébauchés dans des tons différents. Tous trois accuſent la laſſitude, le dégoût de critiques injuſtes, un abandon de ſoi-même & de tout, qui fait peine, ſi l’on ſonge que ſans doute le mal envahiſſant y avait part ; car ces courtes ébauches, incomplètes

  1. Il devait y avoir un frontiſpice, des têtes de pages, des culs-de-lampes, &c., deſſinés par Braquemont & hiſtoriés de deviſes latines compoſées par Beaudelaire lui-même. Les deſſins ont été faits ; ils exiſtent & n’ont point ſervi.