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Vie de Charles Beaudelaire.

de généraliſer la cauſe & de s’en tenir à des conſidérations de haute morale, M. P*** s’acharna ſur des mots, ſur des images ; il propoſa des équivoques, des ſens myſtérieux auxquels l’auteur n’avait pas ſongé, atténuant ſes ſévérités par des proteſtations d’indulgence naïve : — « Mon Dieu ! je ne demande pas la tête de M. Baudelaire ! je demande un avertiſſement ſeulement… »

Un avertiſſement ? Et n’était-ce pas le plus dur qu’on pût trouver que cette comparution ſur ces bancs infâmes où s’étaient aſſis avant lui des malfaiteurs, des filous, des filles publiques, des marchands de photographies obſcènes ? Quoi ! Il était là ce poëte, cet honnête homme, eſſuyant avec ſon habit cette pouſſière immonde ! & ce n’était pas aſſez pour vous ?

On ſe rappelle quelle fut l’iſſue du procès. On écarta le grief d’outrage à la morale religieuſe, & ſix pièces furent retranchées de ce volume qui en contenait cent. Un illuſtre académicien, fort attentif au débat, faiſait remarquer au condamné les termes du conſidérant : — Attendu que ſi le poëte… « — Notez bien ce mot, diſait-il. Point d’accuſé ; le poëte !… le poëte ! Tout eſt là ! »

Il triomphait de cette nuance. Baudelaire,