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Vie de Charles Beaudelaire.

chargé de la critique littéraire au Conſtitutionnel, avait écrit, comme ab irato, un manifeſte, où, tout en rendant juſtice au talent, il proteſtait contre les tendances du livre. Mais en apprenant que les Fleurs du Mal étaient pourſuivies, M. Limayrac s’était ſouvenu qu’il avait été auteur & poëte, &, très-noblement, avait retiré ſon article.

Baudelaire ne fut pas défendu. Son avocat, homme de talent d’ailleurs, très-intelligent & très-dévoué, s’épuiſa dans la diſcuſſion des mots incriminés, de leur valeur, de leur portée. C’était s’égarer. Sur ce terrain, qui était celui de l’accuſation, on devait être battu. Pour vaincre, il fallait, ce me ſemble, tranſporter la défenſe dans des régions plus élevées. C’était le cas peut-être, ſi l’on me paſſe cette comparaiſon ambitieuſe, de ſe ſouvenir du plaidoyer d’Hypérides, & d’enlever la bienveillance des juges en leur montrant au grand jour la beauté de l’œuvre accuſée.

« Qui donc, aurais-je dit d’abord, eſt cet homme que voici devant vous ? Eſt-ce un de ces écrivains ſans conſcience & ſans vergogne, vivant au jour le jour & ſervant le public au gré de ſa fantaiſie & de ſon indiſcrétion ? Eſt-ce un étourdi ſe jetant