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Edgar Poë.

des Contes parut & ſe poursuivit régulièrement dans le Pays. Cette année-là, Baudelaire réſolut le dur problème d’écrire un feuilleton par jour. Le feuilleton, il eſt vrai, n’avait que ſix colonnes, les deux premières pages du Pays étant conſacrées aux romans originaux, et la troiſième ſeulement aux traductions, variétés, &c. La tâche, cependant, n’en était pas moins dure, ſi l’on ſonge à la différence d’une traduction parlée ou rêvée, & d’une traduction écrite, & auſſi à la ponctualité exigée par le journal. Baudelaire ſoutint vaillamment la gageure qu’il avait faite avec lui-même. Pour s’épargner le temps d’ouvrir ſa porte, ou l’ennui des malentendus, il laiſſait la clef dans la ſerrure, & recevait tout en travaillant

    de l’étonnement. J’en citerai quelques lignes : — « On a beaucoup parlé dans ces derniers temps d’Edgar Poë… Avec un volume de nouvelles, cette réputation a traverſé les mers. Il a étonné, étonné ſurtout, plutôt qu’ému & enthouſiaſmé. Il en eſt ainsi de tous les romanciers qui ne marchent qu’appuyés ſur une méthode créée par eux-mêmes, & qui eſt la conſéquence même de leur tempérament… Tous ces gens, avec une volonté & une bonne foi infatigable, décalquent la nature, la pure nature, laquelle ? la leur. Auſſi ſont-ils généralement bien plus étonnants & originaux que les ſimples imaginatifs qui ſont tout à fait indoués d’eſprit philoſophique & qui entaſſent & alignent les événements ſans les claſſer & ſans en expliquer le ſens myſtérieux. J’ai dit qu’ils étaient étonnants ; je dis plus, c’eſt qu’ils viſent généralement à l’étonnant... »