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Vie de Charles Baudelaire.

leur détreſſe (Le Vin de l’aſſaſſin, Les deux Crépuſcules), & tiré de leurs douleurs & de leurs joies, de leurs déſeſpoirs, des chants ſi éloquents de pitié mélancolique, celui là, certes, était un poëte humain. Baudelaire était en poéſie ce que j’ai déjà dit qu’il était en critique, un artiſte doublé d’un philoſophe.

La religion de la forme n’ôtait rien en lui à la vivacité des impreſſions, ni à l’ardeur de la ſympathie. C’était une âme exquiſe & mobile : & ſous le romantique amoureux de l’éclat & du relief, on retrouvait quelque choſe de l’homme ſenſible du dix-huitième ſiècle. En vertu de la tradition déjà ſignalée, de l’influence tranſmiſe de Rouſſeau & de Diderot, Baudelaire aimait la Révolution ; plutôt il eſt vrai, d’un amour d’artiſte que d’un amour de citoyen. Ce qu’il en aimait, ce n’était pas les doctrines, qui, au contraire, choquaient en lui un certain ſens ſupérieur de myſticiſme ariſtocratique ; c’était l’enthouſiaſme, la fervente énergie qui bouillonnaient dans toutes les têtes & emphatiſaient les écrits & les œuvres de toutes ſortes. Le premier, je l’ai dit, du moins longtemps avant que la vogue y fût revenue, il s’était paſſionné pour l’art révolutionnaire. Tout