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Méthode de travail.

l’homme. Maturin dans le roman, Byron dans la poéſie & Poë dans le roman analytique, ont admirablement exprimé la partie blaſphématoire de la paſſion : ils ont projeté des rayons ſplendides, éblouiſſants, ſur le Lucifer latent qui eſt inſtallé dans tout cœur humain. Je veux dire que l’art moderne a une tendance eſſentiellement démoniaque. Et il ſemble que cette part infernale de l’homme, que l’homme prend plaiſir à s’appliquer à lui-même, augmente journellement, comme ſi le diable s’amuſait à la groſſir par des procédés artificiels, à l’inſtar des engraiſſeurs, empâtant patiemment le genre humain dans ſes baſſes-cours, pour ſe préparer une nourriture plus ſucculente. — Mais Théodore de Banville refuſe de ſe pencher ſur ces marécages de ſang, ſur ces abîmes de boue. Comme l’art antique, il n’exprime que ce qui eſt beau, joyeux, noble, grand ; rhythmique. Auſſi, dans ſes œuvres vous n’entendrez pas les diſſonances, les diſcordances des muſiques du ſabbat, non plus que les glapiſſements de l’ironie, cette vengeance du vaincu. Dans ſes vers, tout a un air de fête et d’innocence, même de volupté. Sa poéſie n’eſt pas ſeulement un