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L’Homme & l’Œuvre.

joues. La chevelure, très-épaiſſe, fait touffe ſur les tempes ; le corps, incliné ſur le coude gauche, eſt ſerré dans un habit noir d’où s’échappent un bout de cravate blanche & des manchettes de mouſſeline pliſſée. Ajoutez à ce coſtume des bottes vernies, des gants clairs & un chapeau de dandy, & vous aurez au complet le Baudelaire d’alors, tel qu’on le rencontrait aux alentours de ſon île Saint-Louis, promenant dans ces quartiers déſerts & pauvres un luxe de toilette inuſité.

Il m’eſt impoſſible, en regardant cette peinture, de n’avoir pas auſſitôt préſent à la mémoire le portrait de Samuel Cramer dans la Fanfarlo nouvelle écrite à la même date, & dont le héros me ſemble l’exacte reſſemblance de l’auteur. — « Samuel a le front pur & noble, les yeux brillants comme des gouttes de café, le nez taquin & railleur, les lèvres impudentes & ſenſuelles, le menton carré & deſpote, la chevelure prétentieuſement raphaëleſque… ». Quelques pages plus loin, l’auteur revient à ce nez, trait eſſentiel & ſignificatif dans la phyſionomie de Samuel & dans celle de ſon peintre : — « Malgré ſon front trop haut, ſes cheveux en forêt vierge, & ſon nez de priſeur, elle le trouva preſque bien, &c… »