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L’Homme & l’Œuvre.

impudemment, avec le ſang-froid du preſtidigitateur démontrant ſes tours, comment, par quels moyens précis, poſitifs, mathématiques, il eſt parvenu à produire un effet d’épouvante & de délire dans ſon poëme du Corbeau. Baudelaire n’était certainement pas dupe du charlataniſme de cette genèſe à poſteriori ; il l’approuvait même & l’admirait comme un bon piége tendu à la badauderie bourgeoiſe. Mais en pareil cas, lui, j’en ſuis ſûr, il eût été de bonne foi. C’eſt très-ſérieuſement qu’il croyait aux miracles préparés, à la poſſibilité d’éveiller chez le lecteur, de propos délibéré & avec certitude, telle ou telle ſenſation. Cette conviction chez lui n’était qu’un corollaire de l’axiome célèbre de Théophile Gautier : « Un écrivain qu’une idée quelconque, tombant du ciel comme un aérolithe, trouve à court de termes pour l’exprimer, n’eſt pas un écrivain véritable. » Baudelaire eût dit volontiers :« Tout poëte qui ne ſait pas être à volonté brillant, ſublime, ou terrible, ou groteſque, ne mérite pas le nom de poëte. » Il s’eſt vanté plus d’une fois de tenir école de poéſie & de rendre en vingt leçons le premier venu capable de faire convenablement des vers épiques ou lyriques. Il prétendait d’ailleurs qu’il exiſte des