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Retour à Paris.

fleur. Le terme arrivé, il comprit ſans doute qu’il n’était plus en état de voyager. Il prit alors une attitude réſignée & ſombre. Plus de chants, plus d’éclats, plus de pantomime, plus de ces ſollicitations ſubites, vives & preſſantes qui forçaient à l’attention & faiſaient travailler l’imagination des aſſiſtants. Il était évident que Baudelaire s’était démis de tout eſpoir & de toute illuſion. Il cédait à l’ennemi qu’il avait ſi longtemps & ſi vaillamment combattu. Bientôt il ne voulut plus quitter ſon lit. Il y paſſait ſes journées, gardé par ſa mère. La volonté était briſée ; mais l’eſprit veillait toujours. Jamais il ne ceſſa de faire bon accueil à ſes amis & de tendre à l’arrivant ſa main libre. Il continua juſqu’aux derniers jours de s’intéreſſer aux entretiens qui ſe tenaient au pied de ſon lit, ſans y plus prendre part que par de légers ſignes de la tête ou des paupières. À quelque moment qu’on tournât le regard vers lui, on retrouvait ſon œil intelligent & attentif, bien qu’aſſombri par une expreſſion de triſteſſe infinie, que ceux qui l’ont ſaiſie n’oublieront jamais. Les derniers mois furent ſans doute pour lui les plus douloureux. Il ſe ſurvivait à lui-même & ne vivait plus que pour ſentir tout ce qu’il avait perdu.