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Bruxelles.

en bon point ; je le crus guéri, & je mis les alarmes ſur le compte des peſſimiſtes. Nous paſſâmes toute une demi-journée enſemble avec Th. de Banville, ſon plus ancien ami. J’épuiſai ma logique à lui perſuader de ne pas repartir. Mais il réſiſta. Il lui fallait, me dit-il, abſolument retourner à Bruxelles, ne fût-ce que pour aller chercher ſes papiers qu’il y avait laiſſés ; & puis, le plan de ſon livre s’était agrandi : il voulait ajouter à ſes notes ſur Bruxelles des renſeignements ſur les principales villes belges, Anvers, Malines, Gand, Bruges, Liège, Namur. Je lui rapportai, pour le piquer de viteſſe, ces mots que m’avait dit un jour Théophile Gautier : « Ce Baudelaire eſt étonnant ! Conçoit-on cette manie de s’éterniſer dans un pays où l’on ſouffre ? Moi, quand je ſuis allé en Eſpagne, à Veniſe, à Conſtantinople, je ſavais que je m’y plairais & qu’au retour je ferais un beau livre. Lui, Baudelaire, il reſte à Bruxelles, où il s’ennuie, pour le plaiſir de dire qu’il s’y eſt ennuyé ! »

Il rit, & me dit adieu, m’aſſurant que ſon retour ne pouvait pas tarder de plus de deux mois.