Voilà donc où nous amènent le divin progrès et la sainte mécanique. L’art industriel, ce barbarisme insignifiant, puisque l’industrie n’est pas un art, et que l’art ne saurait être une industrie, a ravalé l’artisan du temps passé au-dessous du manœuvre. Autrefois l’ouvrier pouvait être artiste et grand artiste : Boulle le prouve, Boulle qui faisait tout de sa main et de sa pensée, inventeur, dessinateur, sculpteur, architecte, ébéniste, doreur, ciseleur, et homme de goût par-dessus le marché. La division du travail et la camelotte, c’est-à-dire le travail sans intelligence et sans bonne foi, ont fait de l’ouvrier moderne une machine, moins qu’une machine, un rouage, un ressort, une pièce. Et qu’on ne me dise pas que le génie seul nous manque, et que Boulle renaissant parmi nous y trouverait carrière à son génie. Il n’aurait pas le temps, d’abord. Comment trouver, dans notre société pressée de jouir, des clients assez patients pour attendre pendant des années le loisir de l’inspiration et d’une exécution sincère ? Il aurait à compter, lui