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pourquoi on aime la france

éprouvons quelque chose comme ce refroidissement graduel que les Rosny ont imaginé qui marquerait sur la terre la fin de la vie. Les plus inintelligents de nos compatriotes — disont le mot : les plus anti-français — ne sont plus fermés à l’anxiété ; comme au bravache qui passe de nuit devant un cimetière, il leur faut chanter à tue-tête pour se faire accroire qu’ils n’ont pas peur. Autrement, comment expliquer leur acharnement à vouloir, par exemple, opposer les intérêts de l’Ontario français à ceux de la France ? Pour nous qui n’avons jamais douté de la destinée que la défaite de la France ferait à notre race, chaque phase de la lutte nous a tour à tour remplis de joie et d’angoisse. À chaque matin, en approchant des affiches des gazettes, nous nous demandions le cœur serré si Antée cette nuit-là n’avait pas perdu pied, si l’ange — l’ange exterminateur — n’avait pas, par un coup de traîtrise, terrassé Jacob. Un jour, notre amour magnifiant de simples contretemps en échecs, de simples échecs en désastres, l’angoisse brûlant nos artères et faisant éclater nos veines, nous avons dit nous aussi : Nous marchons ! Les insensés ! ils veulent savoir ce que la France ferait pour le Canada. Et à chaque aurore nouvelle, ils vont voir à la fenêtre si le soleil luira sur leur tâche quotidienne. Et toute leur vie ils demandent au soleil la chaleur, la joie de leur existence. Et si on voulait les priver de sa lumière et de sa chaleur, ils se battraient pour le soleil, ils verseraient leur sang pour leur part de soleil. Sans doute, Mesdames et Messieurs, la France a pu quelquefois nous blesser par son indifférence. Mais parce que sans elle la vie française s’arrêterait en nous comme une eau qui gèle, bénissons-la quand même, défendons-la quand même ! C’est la lumière, c’est la chaleur, c’est la vie !

Et donc, nous marchons pour les institutions britanniques parce que par elles-mêmes, et indépendamment des demi-civilisés qui les appliquent aujourd’hui en Ontario, elles valent la peine qu’on se batte pour elles.

Et nous marchons pour la Belgique parce que dans