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pourquoi on aime la france

de la vérité, saignante et souriante, et terrible et douce, la France immortelle nous regarde. Je pourrais, m’arrêtant sur ces paroles, attendre de votre cœur un jugement que votre raison a peut-être jusqu’ici repoussé. Les colères de la France ont parfois épouvanté votre vieux sang conservateur et catholique (moi, je suis un homme de 93, et avec Péguy je m’en fais gloire) ; son sourire a souvent scandalisé et irrité votre foi. Aujourd’hui qu’aux yeux émerveillés du monde, elle conserve dans sa lutte pour l’existence, sous une sueur de sang, son éternel sourire, votre sang, votre cœur, tout votre être enfin rendu à lui-même, vous crie que vous l’aimez. Mais je me reprocherais comme une tromperie de capter par ce moyen votre assentiment. Je veux jusqu’au bout, et pour la France comme j’ai fait pour l’Angleterre, m’en rapporter uniquement à votre raison.

Mesdames et Messieurs, vous avez parfois ouï dire, et peut-être avez-vous parfois lu dans les journaux : « La France officiellement ne fera jamais rien pour les Canadiens-Francais, et donc nous ne devons rien à la France ». Ce raisonnement vaudrait contre nous si d’une part nous demandions à nos compatriotes autre chose qu’une contribution personnelle, n’engageant en rien leur jugement sur la politique du gouvernement canadien ; si d’autre part il était vrai que la France ne peut activement aider le Canada français que par les moyens officiels. Mais il se présente immédiatement à vos esprits deux réponses.

C’est d’abord que le monde ne peut pas se passer de la France. D’autres nations, comme l’Angleterre, peuvent vanter aussi justement leur attachement à la liberté. D’autres, comme l’Italie, peuvent trouver dans un passé magnifique et dans une renaissance politique sans pareille le motif des plus hautes ambitions, des plus enthousiastes espérances. D’autres, par les réserves de vie neuve et fraîche que nous savons qu’elles nous cèlent, provoquent en nous une attention sympathique, mêlée il est vrai de quelque inquiétude ; et c’est la Russie. D’autres enfin ont donné jusque dans les œuvres de