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pourquoi on aime la france

contre la justice. Ceux-là, pour leur châtiment, ils s’abêtiront sous le joug d’une nation arrogante, morne et triste, sans grâce, sans bonté, ou confondant avec la bonté un niais et fade sentimentalisme. À la France incombera le rôle glorieux de présenter aux sociétés nouvelles les fortes disciplines sans lesquelles ne pourra se consolider la victoire du droit. Qu’elle ouvre sans crainte sur le monde ses mains émaciées par la souffrance ; le monde, conquis par son courage, attend d’elle, comme d’une puissance surhumaine, les paroles de vie.

Oui, la France a conquis le monde. Mais elle a surtout conquis — ou plutôt reconquis — le cœur de ses enfants d’outre-mer. Je vous disais tout à l’heure que les Canadiens-Français, en 1914, étaient séparés de la France depuis déjà cent cinquante ans. À part, peut-être, M. Louis Arnould, qui avait passé deux années chez nous et qui, en outre, apportait à cette tâche la bonté de cœur indispensable, je ne connais pas un Français — tant la tâche était difficile — qui ait pleinement réussi à démêler les sentiments du Canadien-Français envers la France avant la guerre[1]. Il a existé entre nous bien des malentendus. Parmi les milliers de braves gens que vous avez envoyés au Canada et qui travaillent si admirablement à la prospérité de leur patrie d’adoption, il s’est glissé quelques marchands de pornographie, quelques messieurs de mœurs particulières, quelques demoiselles de mœurs peu particulières, et, chose encore plus grave, beaucoup d’individus qui ne vont pas à la messe. Et comme ces indésirables — ainsi qu’on dit maintenant en France — se groupent généralement dans les villes, que les gazettes se font

  1. Cette assertion ne s’applique évidemment qu’aux publicistes. Parmi les Français qui ont séjourné chez nous, il en est (notamment tel consul que nous avons tous connu et tel autre consul qui, pour avoir moins souvent figuré en public, ne nous observa ni moins attentivement ni avec moins de sympathie, et m’a chaudement félicité de ce discours), il en est, dis-je, qui n’ont rien écrit, mais qui nous ont vus d’une vue à la fois plus pénétrante et plus large que nous ne pourrons jamais faire nous-mêmes. — O. A.