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PENSÉE FRANÇAISE

quer de respect ? Et si l’on prétend que les Anglais peuvent apprendre le français comme nous apprenons l’anglais, je réponds tout simplement que pour des raisons évidentes ce n’est pas là parler sérieusement.

La troisième condition, c’est que dans nos mouvements de protestation nous fassions un état plus considérable de la valeur du français considéré en soi, comme instrument de culture intellectuelle. Depuis le commencement de la présente guerre, la preuve est faite, semble-t-il, et pour toujours, que pour être bon Français il n’est pas indispensable d’appartenir à telle ou telle religion — non plus, bien entendu, qu’à telle ou telle secte antireligieuse. Au fond, il n’y a probablement pas plus de raison d’établir une corrélation entre le patriotisme canadien-français et la foi catholique. Parmi les Canadiens-Français anglicisés, j’en ai connu beaucoup qui avaient renié le catholicisme, mais j’en ai aussi connu un grand nombre qui étaient restés foncièrement, dévotement catholiques. D’autre part, je crois bien ne rien apprendre à personne en disant qu’aux États-Unis comme au Canada on trouverait nombre de Canadiens-Français indifférents en matière religieuse et cependant résolus à rester français. Mais si l’on tient mordicus à lier la langue à la foi, il faut à tout le moins prendre garde que ce ne soit pas parfois au détriment de la langue. La Société du Parler Français eût pu faire beaucoup pour la propagation du français dans le Canada anglais : on sait sous quelles influences elle s’est changée en Société du parler catholique et français. Pour complaire aux visées étroites de Mgr Roy et de quelques autres, elle s’est aliéné non seulement les Canadiens protestants qui auraient pu seconder son effort, mais l’armée innombrable des catholiques canadiens-français qui ne se sentent pas de vocation pour la propagande religieuse, et qui du reste sentent con-