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LE SOU DE LA PENSÉE FRANÇAISE

que Guiton peut être utile à sa race, même s’il fut à certain moment un révolté. Et ces vues étaient partagées par bon nombre de membres, qui, battus à une assemblée générale tenue en mon absence, m’auraient suivi volontiers dans un nouveau débat. Pour l’amour de la paix, je ne dis pas un mot, je ne levai pas un doigt ; et si la question se posait de nouveau devant la Société je voterais pour la faire écarter, car maintenant que l’exclusion est prononcée, autant vaut la maintenir que d’en faire une nouvelle cause de discorde. Est-ce à dire que nous allons maintenant classer les Canadiens-Français en bons et en mauvais patriotes selon qu’ils voudront ou qu’ils ne voudront pas voir dans nos processions patriotiques un agneau en chair et en laine, sautillant et bêlant ? Malgré une pression désespérée qui vient précisément des partisans actuels de l’intangibilité de l’agneau, l’épiscopat de la Province de Québec a eu le bon sens élémentaire de ne pas imposer le drapeau du Sacré-Cœur aux catholiques. Nous inspirant de cet auguste exemple, nous ne fermerons pas la Société aux bons patriotes qui croient à ce qu’on est convenu d’appeler irrévérencieusement le Mouton, mais nous ne la fermerons pas non plus aux Canadiens-Français qui n’auront sur la conscience qu’une foi trop tiède au Mouton. Quelque dégoût qu’il me prenne d’avoir à discuter sérieusement de telles balivernes, qu’on se le tienne pour dit, tant que moi et mes amis aurons notre mot à dire au gouvernement de la Société, le Mouton restera ce qu’il a été jusqu’ici : une question libre ; la Société ne sera pas plus livrée au tardivellisme byzantin et fanatique qu’à une variété quelconque d’anticléricalisme. Et les primaires qui, par les frustes machinations de leurs frustes cervelles, travaillent à faire croire qu’on est un mauvais Canadien-Français de souhaiter que les manifestations de la foi nationale deviennent non certes moins éclatantes, mais moins iroquoises, en seront pour leurs