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LE SOU DE LA PENSÉE FRANÇAISE

dans la plupart de nos monuments et de nos affiches publiques et privées, mais l’on fait à peu près autant pour l’éducation patriotique du peuple que les barnums du Sohmer Park ou du Dominion Park. Et quant à l’influence récréative, n’est-elle pas payée un peu cher, dans un pays où, pour vingt-cinq sous, on peut aller voir deux équipes de crosse s’entr’assommer, le taureau de Néromus prendre stoïquement sa dose de poivre rouge, une douzaine d’auto-poloïstes s’enfoncer mutuellement leurs voiturettes dans les côtes, les lutteurs de Kennedy se crever les yeux, se lacérer les entrailles, se disloquer les chevilles.

Le fait brutal c’est que chez nous l’abaissement de la conscience nationale, l’affaiblissement de la pensée française et même du véritable esprit catholique, a coïncidé avec la période des cortèges et des pétarades. Il serait certes excessif de conclure que ceci a engendré cela ; mais le moins qu’on en puisse conclure, c’est que la fierté, la vaillance, la vigilance patriotique d’un peuple ne sont pas forcément en raison des sommes qu’il consacre aux cirques à caractère plus ou moins historique.

Que si l’on propose comme alternative les simples processions avec drapeaux, bannières et musique, qui, en réunissant de grandes masses d’hommes dans un mouvement commun, seraient, quoique peu coûteuses, éminemment propres à faire entrer dans le peuple l’idée de l’union, nous voilà d’accord. Le mémorable défilé du Congrès eucharistique aurait-il été, je ne dirai pas plus, mais seulement aussi éloquent, agrémenté de quelques singeries de mauvais goût ? Quelle manifestation du 24 juin eut jamais, au Canada, le sens profond et la portée morale du serment patriotique prêté par la jeunesse au pied du monument Maisonneuve lors du 250e anniversaire de la mort de Dollard ? Mais comment se fait-il que, des manifestations de cette nature, on n’en ait jamais vu à Montréal au