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MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE…

me signes extérieurs d’intelligence, arborait tout ce que j’ai dit plus haut — ce brave homme continuerait à croire que j’ai été battu par Robillard. J’ai raconté cette histoire à Delahaye, et nous en avons conclu ensemble que la langue dans laquelle on présente certaines idées littéraires, politiques ou philosophiques à certaines gens — formant, hélas ! le gros de la société, — est encore une question bien secondaire, Monsieur Jourdain ayant de tout temps compris le turc aussi bien que le français.

À vrai dire, — et le Canada, qui, sous la direction de cet aimable mandarin de Rinfret, sut, dans l’élection de Saint-Jacques, tirer un tel parti de ma préface aux Souvenirs de prison, de Jules Fournier, ne manquera pas d’enregistrer au profit des Lapointes de l’avenir ce nouvel aveu de dépravation, — à vrai dire, il y a déjà quelque temps que mes amitiés littéraires se caractérisent par un large éclectisme, où la Blague trouve largement son compte. Raoul Ponchon m’a souvent reposé de Corneille et Courteline de Bossuet. Le sublime et ennuyant Milton ne m’empêche pas de goûter Mark Twain. Alphonse Allais, Jacques Ferny, David Lafortune, L.-O. David (dans ses œuvres historiques), ont souvent embelli de rêves folichons les sommeils invincibles qui me venaient de certains dialogues de Platon. J’étais donc tout désigné pour écrire la préface de Mignonne — œuvre délibérément provocatrice, funambulesque à la troisième puissance, mais plus intéressante, par son allure même, que ces beaux petits recueils bien peignés, bien léchés, bien sages, qui forment presque toute la production poétique canadienne-française. Que le Canada en fasse s’il le veut son profit, le nouveau livre de M. Delahaye me plaît sans doute parce que, supprimées les notes, les reproductions, les paraphrases, il contient très peu de vers, — mérite rare, à mon sens, pour un volume de vers ca-