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PRÉFACE AUX « SOUVENIRS DE PRISON »

de Jules Fournier

Mon cher Fournier,

Quand j’étais journaliste et que je m’efforçais de toujours dire la vérité, et que je la disais pour protéger le public contre les voleurs, j’allais en prison. Je fais maintenant dans l’Immeuble ; j’ai beaucoup menti depuis quelques mois ; jamais je n’ai été si considéré de mes concitoyens. Quand j’aurai dompté les derniers vestiges de ma timidité, que je saurai voler franchement, voler tout le temps, et voler tellement que je ne pourrai plus expliquer à personne l’origine de ma fortune, je serai mûr pour le ministère, je serai élu aux conseils d’administration des voies ferrées, je deviendrai le courtier attitré et le confident des soucis matériels de Saint-Sulpice[1], je donnerai avec ostentation aux hôpitaux et aux

  1. Simple allusion à un jugement que pas un journal n’a cité, mais dont j’ai la copie « par devers moi » comme dirait l’académicien Choquette, et où le juge Demers dit que M. Louis-Joseph Forget, sénateur, et un certain nombre d’autres, se sont rendus coupables de fraude en se vendant à eux-mêmes au rabais, sous le nom de Dominion Textile Co., les biens de leurs mandants, les actionnaires de la Dominion Cotton Co. — O. A.