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LES ÉTUDIANTS AU « NATIONALISTE »

ble cri de dégoût devant la lâcheté, l’imprécation devant le triomphe insolent de la force brutale sur la raison impuissante. Ce n’est pas la synthèse de nos nuits sans sommeil et de nos jours sans pain, ce n’est pas même l’ébauche imparfaite du plan dressé dans notre esprit pour l’union des forces nationales, c’est l’infime résidu d’une production mentale asservie presque toute entière aux besoins matériels de l’œuvre. Partis les cheveux au vent et les yeux dans l’azur du ciel, nous avons dû bientôt reconnaître en la juste addition de 2 et 2 la première condition d’existence des empires. Nous nous sommes assis sans nous plaindre devant des besognes autres que celles que nous avions rêvées, soutenus par l’espoir qu’un peu de justice sociale, un peu de bien-être et de bonheur national, germerait un jour dans l’humus fécond de nos illusions mortes. Et pour que le jardinier ne fût pas distrait par les frelons qui bourdonnent sur toute fleur nouvelle, nous sommes venus dans ce quartier vénérable où les intendants des rois de France, accomplissant au mieux de leur patriotisme des œuvres sublimes et silencieuses, dictaient déjà son devoir à la Nouvelle-France du XXe siècle. Jeunes hommes qui avez fait le rêve de conquérir la terre, vous non plus, vous n’aurez pas marché longtemps dans la vie avant de vous trouver aux prises avec la nécessité matérielle qui vous prendra à la gorge et qui vous demandera vos efforts, vos sueurs, votre sang. Ne la maudissez pas. Ne lui demandez pas avec amertume le pourquoi de son insolence. Dites-vous que d’autres hommes — des industriels et des négociants aux fronts ridés, des paysans aux mains calleuses, des ouvriers aux reins courbés — se sont soumis à sa loi pour vous rendre la vie meilleure, et que sans eux vous ne seriez peut-être pas appelés à l’honneur de conduire la société. Réglez toutes vos actions en vue du devoir présent. Fuyez les frelons, penchez-vous avec amour sur votre bêche ou sur votre houe, laissez à la justice immanente