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PENSÉE FRANÇAISE

sants ou des mouchards peu regardants à « payer la traite ».

À qui la faute ?

Au mercantilisme, à la routine, au laisser-faire, à la bêtise, à la cupidité.

Oui, sans doute, toutes ces petites laideurs contribuent à l’existence d’un tel état de chose ; mais la faute principale remonte à vous, Monsieur le Procureur général, à vous, qui laissez avec sérénité galvauder la justice, à vous que le scandale n’émeut pas, quand vous avez le pouvoir, le droit et le devoir de vous opposer à ce dévergondage et de balayer à l’égout ce torrent de saletés quotidiennes. C’est vous qui, par votre majestueuse inertie, êtes responsable des larmes, des désespoirs, des révoltes impuissantes qui éclatent dans des foyers jusqu’alors paisibles, où la fatalité a conduit un jour la police, suivie des reporters.

On condamne pour « mépris de cour » un plaideur inexact ou oublieux des bienséances devant un juge ; mais on laisse impunément verser le mépris, le mensonge et la honte sur des femmes et des enfants désarmés. On laisse impunément livrer les secrets des enquêtes ; on laisse impunément pénétrer les reporters et certains curieux favorisés dans la cellule d’un prisonnier, pour le harceler, l’espionner, le trahir ou le moquer, alors qu’on ne lui permet que très exceptionnellement d’embrasser sa femme et ses enfants, de les voir même et de puiser dans ces étreintes ou dans cette vision le réconfort moral nécessaire pour supporter les affronts, les misères et l’ignominie d’une accusation peut-être téméraire.

Vérifiez ces choses, Monsieur le Procureur général, et si après vérification vous jugez inutile d’intervenir parce que tout va pour le mieux, c’est que