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LA COMÉDIE PARLEMENTAIRE

l’Océanie, qui ne connaissent de l’Angleterre que ses balles et son whisky. Il s’est écrié que la reine, par le message qu’elle adressa à la veuve du président Lincoln, avait rapproché pour toujours les deux races anglo-saxonnes ; ce qui est à la fois une erreur et une baliverne, puisque les États-Unis viennent d’outrager sciemment l’Angleterre dans l’affaire du canal de Nicaragua et que le message de la reine à madame Lincoln n’était que l’expression logique et protocolaire de la sympathie d’une souveraine pour une autre. Les tories de la Chambre, en écoutant ces exagérations, avaient l’air de penser : « Ce Laurier que nous avons accusé de déloyauté, il est très fort : il nous enfonce à notre propre jeu, et nous ne pouvons rien dire ». Du côté ministériel on n’était pas plus attentif. Sir Richard Cartwright bâillait aux mouches ; M. Tarte avait l’air de calculer combien de quais il pourra construire d’ici à 1905 dans le comté de Montmorency pour faire battre M. Casgrain ou sur les côtes du Labrador pour gagner les Esquimaux au parti libéral. M. Sifton semblait chercher dans quel pays barbare il pourrait recruter des colons pour noyer la minorité française du Canada ; quelques députés dormaient ; d’autres, l’oreille tendue, essayaient en vain de saisir quelques mots du « speech » débité avec tant de volubilité par le premier ministre. Il ne manquera pas de journaux ministériels pour comparer encore une fois, à cette occasion, Sir Wilfrid Laurier à Démosthène. Les hommes intelligents qui assistaient à la séance de vendredi en sont revenus avec l’idée qu’il n’est qu’un acteur incapable de jouer la tragédie.

L’Avenir, 10 février 1901.