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PENSÉE FRANÇAISE

somme de cinquante mille dollars qu’il avait obtenue des parents justement affolés. On découvre les restes de l’enfant, et voici qu’un constructeur de navires du nom de Curtis, homme jusque-là très considéré, qui prétendait avoir négocié lui aussi avec les ravisseurs, admet sous sa signature qu’il a inventé cette histoire pour extorquer de l’argent aux Lindbergh. Jusqu’à la découverte (accidentelle) du cadavre, la police pouvait, avec une certaine vraisemblance, se dire paralysée par le désir impérieux des parents de ménager les ravisseurs pour recouvrer à tout prix leur enfant ; maintenant qu’il n’y a plus de ménagements à garder, la main de la justice va s’appesantir sur les coupables… Mais la cupidité des journaux est toujours en éveil ; sous le commode prétexte d’aider à la traque, une fois de plus, jour par jour, heure par heure, ces dévoués protecteurs de la société apprendront aux criminels quelle nouvelle manœuvre les menace et comment ils pourront y échapper. Grâce à eux l’on saura qui est soupçonné, de quel côté la police va tourner sa lanterne.

L’argent ! l’argent ! voilà le mot qui sera revenu comme un sombre leitmotiv tout au cours de ce drame si parfaitement accordé à une civilisation qui a fait de l’argent son dieu. Un à un, tous les rouages de ce qu’on appelle, faute d’un autre nom, la société américaine, se seront révélés détraqués par l’amour du lucre. Devant les sanguinaires chefs de bande qui du fond de leurs repaires, ou de leurs cachots, traitaient d’égal à égal avec l’autorité, un peuple de 120 millions d’âmes, abêti par le culte de l’argent, s’est déshonoré dans de niais et crapuleux calculs, contraires à l’intelligence comme à la morale, à l’heure où sa colère aurait dû frapper comme la foudre. D’un seul coup on a vu ce qu’est véritablement cette terre des États-Unis qui depuis la guerre, sous la direction de pédants « fêlés » comme Wilson ou de cor-