Page:Asselin - Pensée française, pages choisies, 1937.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
PENSÉE FRANÇAISE

plonger d’un geste énergique au fond de la question intellectuelle.[1]

Au moment où un jeune architecte canadien-français rentre chargé de lauriers après dix années d’études en Europe, on demande à des Américains les plans d’une maison de charité canadienne-française érigée avec des sous canadiens-français. — Braves bourgeois ignorants qui décidez cela en notre nom, les choses ne se passeront pas ainsi !

Une administration riche de notre argent, mais dénuée de sens critique, voire de sens commun, veut doter Montréal d’un secteur téléphonique qui s’appellera Calumet (prononcez Calommette ?) — Cette idée, Messieurs du Téléphone, vous est venue d’un peuple qui a sali les noms sacrés de Memphis, de Syracuse et d’Athènes en les plaquant sur les cités de pétrole et de mâchefer où l’on ne sait même pas ce qu’ils évoquent. Allez offrir votre

  1. On a dit que cette conférence était dirigée contre l’Action française en général et M. Pierre Homier en particulier. Je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement M. Homier, mais ce que j’ai dit de son œuvre à Saint-Sulpice, je me rappelle l’avoir dit il y a cinq ans à des directeurs de l’Action française. Je ne l’ai nommé que parce qu’à mes yeux il représente un mode d’action patriotique particulièrement futile, pratiqué comme il l’est. Quant à l’Action française, je suis le premier à croire que le sentiment patriotique qu’elle a si puissamment aidé à créer pourrait produire beaucoup de bien en matière intellectuelle, si elle ne le faisait servir presque uniquement au succès d’une propagande indigéniste souvent détestable. Le patriotisme n’est pas une fin en soi ; il ne vaut que par les œuvres auxquelles il donne naissance dans l’ordre de l’esprit. En attachant, par exemple, plus d’importance à l’apparition du Petit monde de M. Dupire qu’à l’obtention d’un Prix de Rome par un étudiant en architecture canadien-français, elle n’aura fait que rendre le patriotisme odieux à quelques-uns. Si elle croit que, leur éducation patriotique et morale terminée, c’est encore en France que nos jeunes gens les mieux doués trouveraient la meilleure formation intellectuelle, elle n’a qu’à le dire : cela vaudrait mieux que de laisser entendre dans les journaux à sa dévotion que je ne trouve rien de bon dans son œuvre. — O. A.