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PENSÉE FRANÇAISE

Mais après tant d’années perdues à chercher la chenille dans les branches quand la racine se meurt, n’y aura-t-il personne pour crier que nous faisons fausse route ?[1]

J’ai parlé de notre thèse. Cette thèse, je vous l’exposais brièvement au début, et elle est impliquée dans tout ce que j’ai dit depuis. C’est qu’à moins de renoncer pour toujours au titre glorieux de Français il nous faut au plus tôt, et par tous les moyens, intensifier notre vie intellectuelle. Et c’est ensuite que, vivant dans l’atmosphère anglaise, soumis de tous côtés à la pression hostile de ce milieu, — tel le scaphandrier travaillant au fond des eaux, — il nous faut, pour vivre, amener à nos poumons, par un mécanisme à la fois puissant et délicat, l’air vivifiant de la pensée française.

Nous sommes tous d’accord sur le premier point. D’hommes qui de propos délibéré voudraient garder la race dans un état d’infériorité intellectuelle, admettons loyalement qu’il n’y en a pas parmi nous. Si donc, procédant par généralités, nous nous bornions à réclamer une culture qui assure à notre race, dans tous les domaines, le maximum de rendement dont elle soit capable, le combat finirait probablement faute de combattants. La question, la seule question est de savoir quels procédés de culture assureront le rendement maximum. Or, sur ce point, l’accord n’est pas encore fait. Il y a chez nous quatre ou cinq périodiques qui se sont assigné pour objet propre la défense de la langue. Sauf quelques interruptions, je les suis depuis leur établissement ; je ne me rappelle pas y avoir une seule fois lu l’opinion que le

  1. Ce n’est pas faire fausse route que de combattre l’anglicisme, mais c’est faire fausse route que de chercher surtout dans ce genre d’action le salut de la langue, de la civilisation française en Amérique. — O. A.