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PENSÉE FRANÇAISE

que l’anglais au contraire reçoit forcément la part du lion. Quant à moi, tout en déplorant l’association et, jusqu’à un certain point, la confusion de deux enseignements qui n’ont par eux-mêmes rien de commun, je ne m’étonne pas que l’anglais ait pris dans la combinaison la prépondérance. Mais où je commence à m’inquiéter, c’est quand je vois ces écoles enseigner en anglais les mathématiques et la comptabilité. Dussé-je scandaliser quelques milliers d’illettrés, je l’avouerai franchement et hautement : au simple point de vue pratique, je ne comprends pas que des matières comme les mathématiques, qui ont tant à faire dans la formation générale de l’esprit, et la tenue des livres, où la haute compétence s’acquiert plutôt par l’intelligence de quelques principes essentiels que par la pratique des formules consacrées — et dont le vocabulaire anglais peut d’ailleurs s’apprendre en huit jours par le jeune homme intelligent qui possède déjà des notions de cette langue, — je ne comprends pas, dis-je, que de pareilles matières s’enseignent en anglais à des petits Canadiens-Français. En supposant notre jeunesse éternellement vouée à servir dans les administrations anglaises — ce que notre rapide ascension économique rend de moins en moins probable — ou éternellement admise à cet honneur mitigé — ce que les dispositions de plus en plus hostiles du Canada anglais à notre égard rendent tout à fait improbable — la chose qui lui importe le plus, c’est encore, et d’un grand bout, d’être intelligemment initiée aux fondements des connaissances qui seront son gagne-pain. Or, l’expérience de tous les temps démontre qu’il ne sortit jamais rien de bon d’un enseignement hybride ; que la formation générale doit forcément souffrir d’un entraînement de l’esprit vers des objets contraires, d’un partage de l’attention entre des procédés d’étude et d’assimilation essentiellement opposés. Mais