Page:Asselin - Pensée française, pages choisies, 1937.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
PENSÉE FRANÇAISE

nouveau serait né d’un raisonnement logique conforme au génie de la langue. Si au contraire nous allons tout naturellement à des formules que n’autorise aucune des règles élémentaires, aucun des principes traditionnels et fondamentaux du français, n’est-il pas à croire que nous sommes sur une mauvaise voie, au bout de laquelle nous attend, avec l’impuissance du verbe, l’impotence de la pensée ? Le Français cultivé qui débarque au Canada ne s’étonnera pas d’y trouver des patinoirs. Il se bornera à réfléchir qu’ici comme en France le Français n’accepte pas toujours, sur le genre de certains mots, les oracles de l’Académie, et qu’il y a des cas où le génie de la langue souffle où il veut. Mais je défie qui que ce soit de l’accompagner par une de nos rues commerciales sans immédiatement observer sur son visage autant de tristesse que d’ahurissement.

Le plus grand nombre accuseront de tout le mal ce grand criminel anonyme : l’Air ambiant. Et certes il faut bien avouer que les faits leur donnent au moins une apparence de raison. De la naissance à la tombe nous respirons de l’anglais. La langue commerciale, de laquelle s’inspire l’enseigne, est anglaise. Nos relations mondaines, souvent nos amitiés, sont anglaises.

Admissible pour une part, l’explication est néanmoins de celles qu’il est prudent de n’accepter que sous bénéfice d’inventaire.

Non, l’air ambiant n’est pas le seul coupable. Dans une certaine mesure, le mal de l’anglicisme restera incurable tant que la finance, l’industrie et le commerce ne se seront pas francisés par la tête, par le cerveau — ce qui malheureusement prendra peut-être quelque temps. Mais n’avons-