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SIR WILFRID LAURIER

de conscription. Or, à l’occasion de la mort de M. Laurier, il vient justement de se révéler ce fait extrêmement curieux, que, pendant qu’il dénonçait publiquement la conscription, et enflammait ainsi dans le Québec le vieil esprit nationaliste (ici encore nous employons le mot au sens anti-impérialiste) au point de faire de cette province un bloc compact opposé à tout le reste de la Confédération, il disait privément aux « libéraux » anglais qui se séparaient de lui : « Agissez selon votre conscience ; moi, il faut que je reste avec mes compatriotes pour les détourner des partis extrêmes. »

Au fait, et jusqu’à la fin, toute la vie de M. Laurier n’aura été qu’une équivoque. Cette équivoque, je ne dirai pas qu’elle entrait dans les calculs de M. Laurier. Je ne le dirai pas, parce que je n’en suis pas sûr. Il est fort possible, voire probable, qu’il faille en chercher la cause dans le tempérament même d’un homme qui répugna toujours aux solutions tranchées, et qui croyait avoir résolu les difficultés quand il les avait ajournées. Et de toute évidence une formation intellectuelle qui ajoute au libéralisme français le libéralisme anglais et que sais-je encore ? n’est pas de nature à fortifier dans un esprit canadien le véritable sens des réalités. Mais l’arbre se juge à ses fruits. Les résultats de la politique lauriériste, nous les avons aujourd’hui sous les yeux. M. Laurier travailla toute sa vie à rapprocher, comme il disait, les deux races : or, pendant que, jusqu’à 1896, grâce à l’application généralement assez loyale de la politique Macdonald-Cartier, les deux races vécurent dans une bonne entente relative, jamais elles ne furent aussi profondément désunies qu’en 1919.

Évidemment, la politique préconisée jusqu’ici par M. Bourassa, et qui consisterait pour le groupe canadien-français à offrir aux groupes anglais, sans se préoccuper du lendemain, n’importe quel concours qui satisfasse ses rancunes électorales du