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Le premier — et avec la défaite économique qui suivit l’arrivée des grands capitaux anglais au pays, c’est là, croyons-nous, la réponse à la question qu’il posait tantôt sur l’origine du défaitisme politique dans le Canada français — le premier il observera que c’est par les seigneurs réduits au parasitisme que nous est venue « la tradition non encore éteinte, qui a fait du loyalisme à la couronne britannique la première condition de la conquête. »

Puisque ainsi le veut la dignité de notre histoire, enseignons l’espérance, mais comme professeurs de fierté…

Autant nous ne voulons pas refuser notre gratitude si elle est due, autant nous ne voulons pas imiter ce paysan virgilien près de Mantoue, qui appelait Auguste un dieu parce qu’Auguste ne lui avait pas volé son champ…

La loi de la conquête ne saurait peser éternellement sur notre race. Une heure vient où, parvenue à l’âge adulte, une nationalité peut aider à l’instinct naturel qui la pousse vers l’indépendance. C’est son droit d’obtenir alors que tombent de bon gré les lisières surannées qui l’emprisonnent…

S’il nous est bien permis d’utiliser tous les bouts de papier où le conquérant a laissé tomber les mots de droit ou de liberté, cependant prenons garde aux illusions et n’allons pas créer la légende de la générosité britannique…

Déracinés par le colonialisme politique et moral, dédoublés par le dualisme d’un pays fédératif, nous avons besoin qu’on nous rende, plus que toute chose, le sentiment de notre personnalité… En cette œuvre initiale et urgente sont engagés les problèmes fondamentaux de notre vie. Allons-nous marcher plus longtemps avec cette conscience désagrégée, flottante, où ne peut s’appuyer aucune fixité du patriotisme ? A-t-elle seulement droit à l’existence, peut-elle se promettre l’avenir, la nationalité qui s’ignore, qui ne sait plus garder pour elle-même son allégeance spirituelle ?…

Dieu permet ici-bas que des races aient à souffrir