quelles précautions ils prenaient depuis longtemps contre la possibilité d’une dépréciation. La collection des documents dite du marquis de Lévis, plusieurs ordonnances des dernières années du régime, portent à croire que le paysan de la Nouvelle-France n’était pas moins près de son bien en 1759 que son cousin de France ne l’a été durant la guerre de 1914. La substitution des cartes à la monnaie d’or avait eu pour conséquence une hausse anormale des prix, qui à son tour avait entraîné l’émission de nouveau papier. Les colons (par opposition à l’intendance) en détenaient à eux seuls pour 41,000,000 de livres, la part moyenne de chaque famille de cinq personnes ressortant dans ce total à quelque 3,500 livres. À une époque où la journée de dix heures vaut NORMALEMENT un écu (50 sous) et toute chose à proportion, où par conséquent le franc a une puissance d’achat cinq fois plus grande qu’aujourd’hui, chaque chef de famille aurait donc, à part ses autres biens, une juste réclamation de 17,500 livres, ou plus de 3,000 dollars, contre le trésor du roi ! Ces chiffres portent à réfléchir. La monnaie de papier fut remboursée dans les deux ans du traité, — délai relativement court, — à concurrence de douze millions. En serrant les chiffres de près, et en se rappelant premièrement que le peuple de France, au dix-huitième siècle, et sous l’empire des mêmes forces majeures, n’était pas plus que nous à l’abri de ces sortes de liquidations, deux-
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