Page:Asselin - 1917-08-27 - 06M CLG72B1D25 27-08-1917.djvu/1

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À M. Lemieux (Rodolphe) [en écriture manuscrite légèrement penchée vers le bas à droite]

27 août 1917.

Mon cher ami, le 27 juin le procureur du major DeSerres à Montréal, M. Jules Desmarais, n’avait pas encore reçu une somme d’argent que j’avais envoyée à ma femme par son intermédiaire le 8 mai. Ma femme m’écrivait au commencement de juillet qu’une lettre de moi, datée du commencement d’avril, venait de lui arriver . Vraisemblablement, c’est la Censure qui garde nos lettres pendant des mois dans ses tiroirs. Je vous dis mes ennuis personnels pour que vous ne soyxiez pas surpris de ce que votre lettre du 10 mai m’arrive à Paris ce jour d’hui 27 août, soit exactement 109 jours après son expédition.

Fin mai j’étais à l’hôpital, d’abord au front, puis à Boulogne. Le 5 juin je revenais au bataillon 22e. Le 19 juin je partais pour Paris en permission de 10 jours, qui fut portée à 15. Le 3 juillet je prenais de nouveau la route du 22e. Le 6 juillet je repartais pour l’Angleterre. Du 7 juillet au 29 je fus à Shoreham-by-Sea, au 10e de réserve, que j’avais quitté le 6 mars pour aller au front. Dux22 ? xmaixaux1erxaoûtxjexfus Du 29 juillet au 1er août je fus à Londres, et depuis le 2 je suis à Paris, en qualité de secrétaire d’une mission militaire canadienne. J’ai donc joliment bougé. La Poste paraît quand mème avoir pris son temps. Mes soupçons s’accroissent du fait que la patte de l’enveloppe paraît avoir été décollée. Avec la campagne qui se mène contre le C.-F. (jusqu’aux journ/eaux comme le Times fermés aux protestations), l’on peut s’attendre à tout . ’Nuf said.…

Enfin, vous me rattrapez ! Il y aurait long à dire sur les étapes par où je suis arrivé à Paris. Commençons par le commencement.

Le 22 mai 1916, après douze jours d’attente, nous partions pour les Bermudes. On a critiqué cette décision du Ministère de la Défense ; quant à moi, je dois vous le dire, j’en étais enchanté ; elle nous délivrait du cauchemar d’avoir à passer l’été dans le voisinage des villes canadiennes, où il se produisait ce que vous savez. On eût sans doute pu nous envoyer faire notre instruction en Angleterre, mais à ce moment telle n’était pas la politique du gouvernement canadien. Aux Bermudes nous perdîmes un temps précieux à des travaux qui non/seulement n’avaient rien de militaire, mais qui ne valaient rien comme moyen de formation. Je me rappelle, par exemple, avec quelle indignation je protestai contre l’ordre de débroussailler toutes les terres du gouvernement militaire des Bermudes à Prospect Camp, ouvrage qu’on eût pu faire faire à 4 shillings par jour par le nègres de l’île, et qui nous prit cinq semaines. Je ne voyais aussi que la rage au cœur nos soldats réquisitionnés à tout moment pour faire le charbon des vaisseaux anglais. Mais il y avait autour des îles beaucoup d’eau, et cela nous permit xd’? x d’inculquer en très peu de temps à nos hommes une discipline comme il n’en régna jamais dans aucun bataillon de l’armée canadienne, y compris le 22e. Or, la discipline, c’était le résultat principal à atteidre. Et la discipline aidant, nos hommes, malgré la perte de temps, se formaient assez vite. Voilà, cher ami, la vérité sur notre séjour aux Bermudes. Je crois que Fiset, qui me voulait du bien, ne fut pas étranger à cette affaire.

Partis des Bermudes le 17 novembre, nous arrivions en Angleterre le 5 décembre. Il y avait en ce moment à Bramshott, à Shorncliffe et dans d’autres camps anglais assez de soldats c.-f. pour en former une brigade ; on les versa pour la plupart dans des corps anglais, et l’on démembra le 163e, comme le 189e, pour utiliser leurs effectifs comme renforts. Quatre cents et quelques Acadiens du 132e de Newcastle furent envoyés au 42e et autres unités écossaises, Barré, grâce à l’appui de Forget et autres manipulateurs bleus, fut épargné, bien qu’à ce moment le 150e ne se cxoxmxpxoxsxâxtx comparâÎt au 163e ni pour le nombre, ni pour la discipline, ni pour la compétence administrative. Mais, faute de renforts, il est encore en Angleterre.

Je demandai immédiatement à être attaché au 22e pour fins d’instruction, selon un plan qui nous avait été exposé dès le 12 décembre par le général Turner et qui me convenait, quant à moi, d’autant plus qu’il me permettait de conserver mon grade et en même temps de m’instruire (car vous comprenez bien que ce n’est pas le recrutement, par exemple, qui m’avait préparé au commandement). Au commencement de février je n’avais pas encore de réponse à ma demande, datée du mois de décembre. Me trouvant à Londres, j’eus incidemment l’occasion de me plaindre du retard au commandant des troupes canad’iennes dans ce district, le colonel Godson-Godson. Il promit de s’occuper de mon affaire, et, effectivement, le 11 février j’étais mandé auprè/es du général Turner. Celui-ci me donna le choix entre deux ou trois mois d’études dans une grande école anglaise, un stage au grand quartier-général