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la Croix de Victoria ; nul ne l’aura mieux méritée. Comme il y a des mois qu’il fait ce métier, on ne s’explique pas qu’il soit encore vivant. Quand il parle de la gloire du 22e, tous ses traits s’illuminent.

Ce matin, nous étions en corps à la messe, dans une petite église du Nord. Durant l’office, je m’appliquai à déchiffrer sur leur visage le sentiment qui d’abord avait poussé nos hommes à s’enrôler et qui maintenant, malgré l’absence presque complète de peines disciplinaires (c’est en effet un point qu’il faut noter) les fait agir. Et, en dernière analyse, je n’en voyais pas de plus puissant que la fierté de race, ou plutôt un esprit de corps se confondant, au 22e, avec la fierté de race. Les causes philosophiques ou seulement politiques de la guerre leur échappent ; après dix, quinze, vingt mois de tranchées, l’histoire des cruautés allemandes ne les impressionne plus guère, mais ils ont la prétention d’être des « Christs » des « tabernacles » des « câlices », noms d’oiseaux qui, dans leur langue effroyablement, mais innocemment blasphématoire, veulent dire qu’ils ne se laisseront pas marcher sur les pieds ; et le soir, ils enlèvent de leur képi, pour le mettre sous leur chevet, le castor à la dent implacable, symbole de l’ingénieuse et persévérante vigilance canadienne-française. À l’heure actuelle, et bien qu’on ait démembré nos bataillons en Angleterre pour une prétendue insuffisance d’effectifs, il y a de forts contingents de Canadiens-français dans toutes les unités du front. Presque partout, dans les limites de leurs attributions, ils font les besognes les plus utiles, et parfois les plus dangereuses. (C’est par exemple un Acadien qui est chef éclaireur du 26e, de St Jean du Nouveau-Brunswick, et il y en a cent cinquante autres, Acadiens ou Canadiens-Français, dans ce bataillon). En les groupant, et en leur adjoignant ceux qui sont actuellement en Angleterre, on formerait, sans compter le 22e, plus qu’une brigade. Le Général Watson, qui, comme journaliste, au "Chronicle" de Québec, passait pour ne pas aimer les Canadiens-Français d’amour tendre, ne tarit pas d’éloges sur leur compte. Mais nous