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lançant une grenade à telle ou telle heure déterminée, peut dire à peu près s’il attrapera la sentinelle, le capitaine, l’ordonnance ou le cuisinier. Oh ! attrapera est peut-être une exagération. Il est en effet bien rare que l’ennemi — que ce soit lui ou nous — ne rentre pas sous terre au premier indice de danger ; vous ne sauriez croire combien il faut de plomb, d’acier, de cuivre, de gaz, pour tuer un homme qui ne veut pas se laisser faire, — c’est fabuleux ! Il y a la nuit un appel à l’artillerie qui se fait par fusée éclairante. Dès cette fusée lancée, automatiquement l’artillerie entre en jeu pour un barrage de dix minutes. Les dix minutes ne coûtent jamais moins que $75,000. Certains jours l’artillerie est en barrage vingt-quatre heures consécutives ; le soir, quand chaque front compte ses pertes, il trouve, par bataillon, deux ou trois blessés. Il y a évidemment des jours d’exception : hier, par exemple, au moment où nous quittions un cantonnement, pour venir faire en arrière une dizaine de jours d’exercice (et ce cantonnement nous y étions entrés la veille après avoir eu, en six jours de tranchées, quatre ou cinq blessés) ne voilà-t-il pas que la grosse artillerie teutonne, comme dit si bravement notre ami commun Charles Robillard, commence à nous chercher. Quatre obus de 5.9 tombent à notre droite, dans un bois. Deux n’éclatent pas, les deux autres ne blessent apparemment personne. Cris de triomphe parmi les camarades que nous laissons en arrière (ils étaient quelques milliers). En arrivant ici, nous apprenons qu’une heure ou deux après, dans les trois ou quatre chambrées où nous logions, deux hommes ont été tués, une dizaine d’autres blessés ; qu’un sergent-cycliste qui passait par là a eu la tête emportée ! et ainsi de suite. Ce matin, les pertes en hommes s’élèvent à plus de quatre-vingt, dont vingt tués. Nous avons déguerpi à temps. Ce qui nous console, c’est que les Allemands doivent, par le temps qui court, prendre quelque chose pour leur rhume. L’artillerie anglaise leur rend maintenant dix obus pour un. Et puisque ces obus ne tombent plus sur nous, il n’y a pas de raison pour qu’ils ne tombent plus sur nous, il n’y a pas de raison pour qu’ils ne tombent pas sur les Teutons.